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Selamat tinggal Malaisie, merhaba Turquie

Notre itinérance à vélo nous a permis de bien explorer les campagnes mais elle nous fait presque oublier que 80% des Malaisiens vivent en ville. Nous finissons notre séjour en Asie du Sud-Est par quelques semaines de tourisme plus urbain à Ipoh, capitale de l’état du Perak, et à Kuala Lumpur, capitale de la Malaisie. Entre temps, nous avons aussi fait une petite excursion de deux semaines en Indonésie.

Nous commençons par organiser le transport des vélos d’Ipoh, notre terminus à vélo, jusqu’à Kuala Lumpur. Les dernières informations glanées sur internet indiquent qu’il n’est plus possible de transporter de vélos dans les trains inter-régionaux. Mandy, une cycliste malaisienne rencontrée à Taïwan, nous apporte une aide précieuse en nous mettant en contact avec un chauffeur de fourgonnette. Vive le réseau des cyclotouristes et merci Mandy ! Vu la taille des vélos, il n’y a par contre pas assez de place pour tout le monde dans le fourgon, donc Sylvain accompagnera le gros de nos affaires pendant que Mathilde et les filles prendront le train. Le départ est fixé trois jours plus tard, ce qui nous laisse un peu de temps pour visiter Ipoh, une grosse ville de 750 mille habitants.

La ville s’est développée à la fin du 19e siècle suite à la découverte d’importants gisements d’étain. La visite du musée Han Chin Pet Soo nous replonge un siècle plus tôt lorsque des immigrants venaient chercher fortune à Ipoh. En particulier, des chinois de l’ethnie Hakka ayant fui la misère et la répression de la Chine centrale ont migré jusqu’en Malaisie. L’un d’entre eux, Han Chin Pet Soo est arrivé à Ipoh à vingt ans et a développé l’exploitation minière jusqu’à devenir l’une des personnes les plus riches de la ville. L’industrie minière est en déclin depuis les années 70 et les jeunes se tournent maintenant plutôt vers Kuala Lumpur. Mais les traditions et la culture amenés par les mineurs Hakkas restent encore bien présentes aujourd’hui à Ipoh, comme en témoignent les nombreux restaurants de cuisine Hakka, les pâtisseries chinoises et les petits temples taoïstes bien colorés. 

Ipoh est devenue au fil du temps un vrai musée à ciel ouvert où l’architecture coloniale compose avec les communautés malaises, chinoises et hindoues. Les arcades des bâtiments coloniaux offrent également une ombre appréciable pour explorer les ruelles et les fresques murales modernes. Celles-ci nous conduisent tranquillement jusqu’à la place de la gare où un grand édifice colonial fait face à la grande mosquée de la ville. 

Nous en apprenons aussi un peu plus sur l’histoire riche et complexe de la Malaisie. Elle remonte à l’Antiquité, avec des civilisations anciennes et des royaumes intérieurs qui se sont développés grâce à l’agriculture et au commerce côtier. Vers le 6e siècle, l’hindouisme et le bouddhisme, en provenance de l’Inde et de la Chine, dominent le pays. L’islam s’implante quelques siècles plus tard et prend de plus en plus d’importance, jusqu’à la période coloniale au 15e siècle avec l’arrivée des Portugais. Cela entraîna la fuite des musulmans vers l’est et l’ouverture de la Malaisie au monde extérieur. Au 18e siècle, les britanniques prennent progressivement le contrôle du pays, jusqu’au milieu du 20e siècle, date à laquelle la Malaisie obtient son indépendance. 

Les stands de nourriture sont encore fermés, mais pour quelques jours seulement car l’Aïd el-Fitr, qui marque la fin du ramadan, approche. Les vacances scolaires commencent d’ailleurs au même moment et les transports en commun sont pris d’assaut pour les prochains jours. Nous devons nous contenter des seuls billets de train restants, à 5h du matin, pour rejoindre Kuala Lumpur 😴. 

Le train est très moderne, rapide, mais beaucoup trop climatisé et nous sommes contents d’arriver dans la capitale au petit matin. Nos premières impressions sont celles d’une ville moderne, multiculturelle et verticale. Nous nous retrouvons ainsi dans le quartier chinois au pied de Merdeka 118. Cette immense tour de 118 étages (et qui n’a probablement pas été nommée par un Français) gratte le ciel à 678 mètres du sol, ce qui en fait la deuxième plus haute tour au monde. Sa construction vient tout juste de s’achever et elle ouvrira bientôt au public. 

La ville s’anime rapidement le matin et c’est bientôt la cohue entre les stands de babioles chinoises bon marché, les marchands de tapis indiens, le boucher qui vend des têtes de bœuf, les stands de nouilles anisés… Plus loin, l’odeur du durian réveille nos narines et nous nous arrêtons déguster un pudding de soja chaud. Au détour d’une ruelle, se dressent le dôme d’un temple hindou ou les statues d’un temple taoïste. 

Les édifices musulmans sont également bien représentés et nous en profitons pour visiter la grande mosquée nationale. Du personnel s’assure à l’entrée que nos tenues soient adéquates. Les enfants sont cagoulées dans des mini hijabs tandis que Mathilde a le droit à une tunique complète qui la couvre des pieds aux oreilles. Sylvain, en teeshirt, est juste prié d’enlever ses chaussures. La mosquée, d’architecture élégante et moderne, est décorée de motifs géométriques sobres et harmonieux. Les salles sont toutes très propres et quelques fidèles lisent le coran dans la grande salle de prières. Un volontaire parlant très bien anglais vient gentiment nous expliquer le fonctionnement de la mosquée ainsi que les fondamentaux de la religion musulmane. 

L’ambiance est radicalement différente lorsque nous visitons le sanctuaire hindouiste des grottes Batu. Cet ensemble de temples est installé dans un immense réseau de grottes au milieu des stalactites, gardé par une statue dorée géante de cinquante mètres de haut. Nous y retrouvons nos amis québécois, rencontrés au Vietnam et avec qui nous avons célébré Noël, pour une visite haute en couleurs et en odeurs. En effet, nous sommes un jour férié et une foule bigarrée de touristes et de croyants se mêle dans les 272 marches de l’escalier arc-en-ciel qui permet d’accéder à la grotte. A l’intérieur, des centaines de dieux et déesses aux multiples bras et tétés décorent les murs des nombreux temples construits dans les entrailles de la montagne. Les fidèles font la queue devant les prêtres pour faire une offrande et obtenir une bénédiction. Les vapeurs d’encens et de beurre rance alourdissent l’atmosphère et nous sommes transportés pendant un instant dans le sud de l’Inde. Le spectacle fascine en tout cas beaucoup Héloïse, très intéressée par les dieux à tête d’éléphant ou de singe. 

Après une plongée dans la Malaisie multiculturelle, nous profitons de la ville moderne. Les gratte-ciel semblent pousser ici comme des champignons, dopés par la forte croissance économique du pays. Les tours Petronas, les plus hautes tours jumelles du monde, brillent de jour comme de nuit et sont devenues un peu l’emblème de la ville. Pour apprécier pleinement la démesure du quartier moderne, nous montons dans la tour Menara qui abrite un centre de télécommunications. Depuis une plateforme à 300 mètres de haut, nous prenons bien conscience de l’extravagance de l’urbanisme asiatique. Les quelques bâtiments historiques de l’ancienne ville coloniale, avec leurs deux ou trois étages, sont bien minuscules et semblent complètement absorbés par la ville moderne où le moindre hôtel fait quarante étages. 

Nous faisons l’expérience inverse en nous promenant vers la place de l’indépendance et la mosquée Jamek, l’une des plus anciennes de la ville. Il y reste quelques bâtiments de l’époque coloniale d’inspiration indienne ou anglaise. L’arrière plan est dominé par la tour de plus de 600 mètres de haut qui attire inexorablement le regard vers le ciel, nous demandant presque un effort pour voir les deux petits étages du palais du Sultan, pourtant juste devant nos yeux !

Nous aimerions bien nous promener un peu plus dans les différents quartiers mais les piétons ont été malheureusement oubliés dans les plans d’urbanisme. Il y a bien ici ou là quelques trottoirs mais ils sont rapidement interrompus par des quatre-voies, ou alors ils s’arrêtent subitement. Les déplacements à pied sont vite dangereux et peu agréables. D’ailleurs presque personne ne se déplace à pied, en dehors des grands centres commerciaux. De manière générale dans l’est de l’Asie, mis à part dans des pays très développés comme en Corée du Sud et au Japon, nous avons déploré l’absence de chemins ou de trottoirs pour circuler à pied dans les villes et les campagnes. C’est certainement ce qui nous manque le plus depuis notre départ. Peut-être est-ce à cause du climat trop chaud, mais il nous semble que cela reflète surtout le manque de moyens publiques ou de volonté politique. 

Nous passons au total dix jours à Kuala Lumpur en renouant avec le confort moderne. Nous logeons en effet dans un appartement quasi neuf et bien équipé au 15e étage d’un immeuble récent avec une vue époustouflante sur la ville. C‘est l’occasion de cuisiner quelques plats de chez nous et de dîner tranquillement en famille. Nous y retrouvons un soir nos amis québécois pour un apéro bien français en souvenir de notre Noël passé ensemble. Pain, fromage, saucisson, on trouve de tout ! Nous apprécions beaucoup ce moment qui, même s‘il est éphémère, nous permet d’échanger et de réfléchir sur nos expériences de voyageurs au long court. 

La résidence dispose aussi d’une piscine située sur le toit de l’immeuble. A une cinquantaine de mètres de hauteur, nous avons l’impression de flotter au dessus de la ville. C’est magnifique, surtout à la nuit tombée lorsque tous les gratte-ciel s’illuminent. Nous sommes heureux d’en profiter, tout en nous rendant compte de l’injustice flagrante de notre situation privilégiée par rapport à celle des milliers d’habitants du quartier insalubre juste derrière notre immeuble. Comme souvent, la pauvreté côtoie l’opulence dans des proportions indécentes, même si barrières, agents de sécurité et réseaux de transports font que ces deux mondes ne se mélangent pas. Surtout quand personne ne se déplace à pied, mais nous nous répétons 🙄.

Pour finir, nous préparons la prochaine étape de notre voyage. Nous serons dans l’est de la Turquie où il fera encore bien froid à cette époque de l’année et nos sandales-shorts-tee-shirts ne suffiront pas ! Une partie de nos vêtements chauds étaient restés en Mongolie et, en plus, les enfants ont grandi. En quelques aller-retours dans les centres commerciaux, nous équipons donc tout le monde en pulls, polaires ou manteaux. L’essayage des habits par 35 degrés est assez incongru et nous amuse beaucoup ! 

Nous récupèrons facilement des cartons solides pour les vélos en demandant dans une boutique de vélos électriques. Il n’y a presque plus personne pour pédaler en Asie mais les engins à moteur trouvent encore preneurs. L’emballage, le transport et l’enregistrement des tandems à l’aéroport se passent sans problème, Turkish Airlines étant particulièrement pratique et généreuse avec les limites de poids des boîtes à vélos.

Nous terminons ainsi presque neuf mois en Asie de l’est, l’un des endroits les plus peuplés du monde et riche d’une grande diversité, tant sur le plan humain que dans les espaces naturels et les climats. Nous y avons rencontré des milliers de sourires et une gentillesse universelle au delà des singularités culturelles. Nous écrivons ces mots depuis la Turquie, où nous avons retrouvé les pédales et sommes à nouveau touchés par l’hospitalité et la générosité des gens. Nous vous raconterons…

6 commentaires sur “Selamat tinggal Malaisie, merhaba Turquie”

  1. Et bien ça commence à sentir l’écurie… Dommage car ça va me manquer vos récits.
    Alors savourez chaque instant !
    A bientôt
    Adrien

    1. Sylvain Reboux

      On s’est en effet bien rapprochés de la maison et on a retrouvé une culture nettement plus proche de la notre. En même temps, on est encore super loin et il y a toujours de forts parfums d’Orient. Pour dire, hier on est passé à une centaine de mètres de la frontière avec l’Iran ! Mais ça passe bien vite alors oui, on savoure chaque instant ! 🤗
      Bises

  2. Grâce à vous nous avons fait un grand tour en Asie. Que de contrastes ! …de souvenirs emmagasinés et de coups de pédale. Bravo.
    Merci encore pour votre récit, les éléments d’histoire et de culture permettant de mieux connaître ces pays et leurs habitants.
    A bientôt pour la prochaine étape en Turquie.

  3. Saisissantes photos de la capitale Kuala Lumpur avec le point d’orgue des tours jumelles Petronas dans la ville moderne. Cela donne le vertige !
    Sympa d’avoir accepté de cacher d’aussi belles boucles pour revêtir la tenue vestimentaire exigée pour la visite de la grande mosquée !
    Et encore bravo pour cette instructive narration.
    Michelle

    1. Sylvain Reboux

      Merci Michelle, ces grosses villes asiatiques sont très impressionnantes et on s’y sent tout petit. A des années lumières des hauts plateaux d’Anatolie où nous pédalons en ce moment, au milieu des troupeaux de moutons et des petits villages de pierres et de boue !
      Bises

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