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Shikoku

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Nous poursuivons notre aventure nippone sur l’île de Shikoku, quatrième île de l’archipel par sa taille. Lors de la préparation du voyage, nous avons lu et entendu beaucoup de bien sur cette grande région peu touristique, ce qui a aiguisé nos appétits de cyclistes. Le ferry nous dépose à Yamatahawa, au sud-ouest de l’île, et nous souhaitons rejoindre la ville de Tokushima, diagonalement opposée et d’où part un ferry pour la région d’Osaka. Nous ne devons pas rater “Shimanami Kaido”,  la piste cyclable la plus connue du Japon, au nord de l’île, ni les montagnes du centre, ni la côte sauvage au sud. Nous tenons aussi à visiter la ville d’Hiroshima, ce qui implique un détour sur l’île d’Honshu, mais à éviter le plus possible les régions avec trop de voitures. Au final, cela donne un itinéraire en zigzag que nous savourerons tranquillement en trois semaines. 

Nous avions prévu d’écrire cet article plus tôt, mais un petit contretemps sur la fin du parcours a sapé notre énergie (mais pas notre moral !)…

Nous commençons par longer la côte ouest par une route côtière magnifique jusqu’à Matsuyama, la plus grande ville de Shikoku. Il y a un peu trop de circulation pour que cet itinéraire cyclable soit vraiment agréable mais le relief très escarpé de la côte réduit les possibilités de petites routes alternatives, donc nous faisons avec. Une magnifique plage nous incite quand même à prolonger la pause déjeuner avec une baignade, certes un peu fraîche en cette saison. 

Un ferry nous amène ensuite en trois heures de Matsuyama à Hiroshima. C’est avec un peu d’émotion que nous débarquons dans cette ville dont le nom nous évoque une chose et une chose seulement : la bombe atomique. 

En plein centre ville, un grand espace vert commémoratif abrite entre autres le Musée du Mémorial de la Paix, qui présente l’histoire de la ville avant et après la bombe atomique ainsi que des expositions sur la paix et la non-violence. La visite du musée n’est pas une partie de plaisir et beaucoup d’images sont dures à regarder, mais nous en ressortons avec la satisfaction d’avoir accompli un devoir : faire en sorte que les atrocités de l’Histoire restent dans la mémoire collective. C’est très clairement l’objectif premier du musée, à en croire le très grand nombre d’écoliers japonais que nous y croisons. Nos enfants sont forcément touchés par l’expérience et restent perplexes sur ce qui peut pousser les hommes à commettre de telles horreurs.  

Heureusement, de cette période funeste il ne reste que quelques traces conservées dans le Mémorial et la ville est aujourd’hui bouillonnante de vie et d’activité. Nous profitons de l’après-midi pour explorer un très beau jardin japonais dont l’harmonie et la sérénité permettent de se remettre des émotions du matin. 

Bien évidemment, nous n’oublions pas de découvrir les spécialités japonaises et de profiter de la multitude de restaurants présents dans les grandes villes : sushis, guiozas (raviolis frits) et okonomiyaki (omelette japonaise). Cette dernière est la spécialité d‘Hiroshima et de nombreux cuisiniers manient avec expertise la spatule et les baguettes pour associer choux, fruits de mer, viande, nouilles et omelette en une crêpe épaisse qui est cuite sur une plaque chaude avant d’être nappée généreusement de sauce brune et mayonnaise.

Les vélos, si rares dans les campagnes, sont nombreux en ville et roulent allègrement sur les trottoirs, les rendant d’ailleurs assez dangereux pour les piétons. Aux heures de pointe, les écoliers et employés en costume de bureau envahissent l’espace et on a l’impression d’une fourmilière en uniforme. On peut même voir des groupes d’ouvriers qui s’échauffent avant de commencer la journée de travail avec un peu de gym protocolaire.  

Nous traversons une bonne partie de la préfecture d’Hiroshima à vélo, sur deux jours, ce qui nous donne l’occasion de nous immerger dans un Japon « moyen ». Il n’y a rien de touristique à voir ou à faire, un peu plus de circulation, mais beaucoup de petites routes, de jolies rizières et de magnifiques maisons. Les moissons ont commencé et les cultures jaunies dégagent une bonne odeur de riz cuit lorsque nous les traversons. Les zones résidentielles, commerciales, industrielles et agricoles s’entremêlent harmonieusement et sans extravagance.

Nous terminons ce passage sur Honshu à Onomichi, jolie ville qui a la particularité d’avoir été épargnée par les bombardements de la seconde guerre mondiale et qui a ainsi conservé un centre historique à l’architecture ancienne. Nous décidons de nous arrêter une journée pour laisser passer une météo trop nuageuse et découvrons de jolies maisons en bois, des rues étroites et nombreux temples lors d’une promenade jusqu’au temple de Senkoji. Ce temple bouddhiste surplombe la ville et offre une vue splendide sur la mer intérieure de Seto (Seto Naikai) et ses multiples petites îles. Entre Kyushu, Honshu et Shikoku, cette mer connecte la mer du Japon à l’océan Pacifique.

Les îles de la mer de Seto abritent la piste cyclable la plus connue du Japon : Shimanami Kaido. Cet itinéraire de 70km devenu sanctuaire national du vélo relie Honshu à Shikoku en traversant les îles Seto par une série de 7 ponts aménagés pour les cyclistes. Les touristes sont nombreux sur les premiers kilomètres et nous n’avons plus l’habitude de voir autant de vélo depuis la Corée. Le premier pont est certainement le plus impressionnant avec une piste cyclable construite sous le pont autoroutier et surplombant la mer à une cinquantaine de mètres au dessus de l’eau. Nous apprécions tellement de pédaler sur ces îles paisibles que nous ajoutons des petites variantes pour prolonger le plaisir des kilomètres faciles. Le bleu profond de la mer, les plages de sable clair et la forêt verdoyante donnent à la côte un petit air paradisiaque. Après le dernier pont, un énorme ouvrage de quatre kilomètres, nous redescendons brutalement sur la ville portuaire et industrielle d’Imabari, avec une vue imprenable sur les immenses grues qui chargent les bateaux. Quel contraste en quelques kilomètres !

Si nous ne nous attardons pas pour visiter la ville d’Imabari, elle restera quand même dans nos mémoires pour l’un de ses restaurants d’Okonomiyaki, les fameuses omelettes japonaises. Comme souvent, la salle est minuscule, la nourriture fraîche et excellente, l’accueil gentil et discret. Mais c’est l’âge de la cuisinière et de la serveuse qui nous interpelle : elles ont toutes les deux certainement plus de 80 ans ! L’une d’entre elles n’a visiblement plus toute sa tête et représente une charge supplémentaire pour l’autre, qui se retrouve seule à gérer la boutique. Seuls clients du restaurant, nous assistons en direct et pendant une bonne heure à l’élaboration de notre repas copieux et délicieux. Nous sommes un peu déboussolés, voire franchement gênés, alors que nous sommes jeunes et en pleine forme de faire travailler ces deux femmes gentilles mais visiblement usées. 

Les conditions de vie des personnes âgées au Japon sont ainsi très particulières et surprenantes pour un pays aussi moderne et riche. De notre point de vue occidental, nous trouvons ces conditions particulièrement difficiles, presque choquantes. Ce restaurant d’Imabari est loin d’en être le seul exemple, et nous voyons constamment des personnes très âgées au volant de taxis ou d’engins de chantier, travaillant au bord des routes, dans les champs ou aux caisses des supermarchés. Le maintien prolongé des actifs dans le monde du travail, incité par des retraites très faibles et des aides sociales dérisoires, fait partie des solutions choisies par la société nippone pour faire face à son vieillissement massif et inexorable. Presque 30% de la population a plus de 65 ans et ce chiffre ne cesse d’augmenter. Il faut noter que beaucoup de seniors occupent des emplois à temps partiel, et leur intégration dans la société active a sûrement des aspects positifs dont nos sociétés pourraient s’inspirer…

Pour rejoindre Kochi, nous avons plusieurs possibilités : faire un long détour par la côte ouest que nous connaissons déjà puis emprunter une grosse route pleine de voitures et de camions qui passe à travers les montagnes… ou bien nous aventurer sur une route minuscule qui grimpe à 1000m et, d’après la carte, permet de rejoindre la bonne vallée grâce à un petit tunnel. Il fait beau, nous avons le temps, donc le choix est vite fait !

Nous quittons vite la côte pour nous enfoncer sur des petites routes de campagne aux maisons entourées de beaucoup de fleurs et de jardins. Le moral de notre troupe est excellent, les jambes sont maintenant bien entraînées, les estomacs toujours bien remplis, si bien que les montées passent sans problème. 

Nous ne sommes pas certains que la route du col est ouverte car celle ci est toute petite et nous ne croisons absolument personne, ni dans un sens ni dans l’autre. C’est une montée sinueuse sur les flancs escarpés d’une forêt luxuriante et sauvage, sans autres bruits que le ruissellement de l’eau des cascades, les gazouillis des oiseaux et les bambous qui s’entrechoquent. Le tunnel au sommet existe, est ouvert, et nous sommes récompensés de nos efforts par une magnifique descente qui longe une rivière aux eaux turquoises sur des dizaines de kilomètres. C’est une belle région agricole et montagneuse, avec plusieurs petits villages et des plantations variées. Sur une toute petite route oubliée en bordure d’un lac de barrage, nous sommes surpris par une troupe de singes qui traversent devant nous avant de disparaître bruyamment dans la forêt. C’est une rencontre de quelques secondes, mais cela suffit à motiver les enfants pendant des jours !

Nous passons la nuit dans un camping géré par un hôtel, ce qui nous donne accès aux bains chauds et au restaurant : tous les deux très appréciables après une longue journée de vélo ! Décidés d’arriver à Kochi avant la pluie annoncée pour l’après-midi, nous mettons un temps record à nous mettre en route le lendemain matin. Réveillés par la musique des hauts-parleurs à 6h, nous sommes en train de pédaler à 6h45, et, aidés par un relief globalement descendant, avons couvert les 60 km jusqu’au centre ville avant 11h.

Nous profitons du temps libre l’après-midi pour visiter le château et son musée adjacent. Nous laissons nos vélos chargés au pied du château et sommes immédiatement accostés par un vieux monsieur ne parlant que japonais. Très fier que des Franco-Suisses viennent d’aussi loin visiter son pays à vélo, le vieil homme nous prend en charge et nous sert de guide dans le château qu’il semble connaître comme sa poche. Nous sommes loin de comprendre toutes ses explications, mais nous sommes quand même touchés par sa gentillesse et sa fierté. Il nous accompagne ensuite jusqu’au marché couvert d’Hirome, et nous conseille de goûter au Katsuo-no-tataki, le thon saisi à la flamme et coupé en tranches. L’endroit est en pleine effervescence et de nombreux locaux viennent se restaurer avec des spécialités régionales dans une ambiance chaleureuse et sympathique. 

Nous sommes ensuite accueillis comme des rois dans une maison d’hôtes par Reiko et Go, dans la périphérie de la ville. Ils sont eux aussi émerveillés par notre petite aventure familiale et notre mode de transport. Ils nous font goûter aux produits de leur jardin et gagnent pour toujours l’affection d’Héloïse en lui offrant une gigantesque et emblématique feuille de lotus, semblable à celle de son animal fétiche dans « mon voisin Totoro »…

Go nous explique un peu son métier d’agriculteur dans la région. Il est fier de la technologie japonaise dans les engins agricoles, dont l’ingéniosité permet de cultiver le riz avec beaucoup moins de labeur qu’autrefois. Les machines utilisées au printemps pour repiquer les plants dans les rizières inondées sont particulièrement impressionnantes ! Go espère que les progrès en cours, notamment le guidage des machines par GPS, parviennent à compenser le manque criant de main d’œuvre dans ce Japon à la population vieillissante. Lucide, il souhaiterait avant tout que plus de jeunes se lancent dans l’agriculture…

Le relief escarpé de Shikoku laisse moins de place à la riziculture qu’à Kyushu et les vergers d’agrumes prennent possession des terrasses. L’île est réputée pour ses variétés de mandarines dont le yuzu est le plus célèbre. Il a récemment conquis les tables gastronomiques occidentales. Nous nous régalons quotidiennement de mandarines et de kakis. C’est en effet la pleine saison des fruits et les Japonais nous offrent spontanément des mandarines lorsque nous passons à vélo. Un jour alors que nous grimpons sur une petite route, une voiture s’arrête à notre niveau. Une dame en sort toute souriante avec un gros sac de mandarines jaunes. Elle nous explique qu’elle habite en dessous et nous a vu passer. Elle repart assez vite après les nombreux “aligato gosaimasu” de toute la famille. Ces échanges souvent brefs mais nombreux nous touchent beaucoup et ils témoignent de la gentillesse des Japonais derrière un premier abord réservé. 

Cette petite ville de Kochi nous laisse une impression très agréable, sublimée par la gentillesse des gens qui nous ont spontanément accostés. Peut-être y a t’il quelque chose de spécial dans cette région isolée du Japon. Ou peut-être nos efforts dans l’apprentissage de la langue et des usages japonais commencent malgré tout à porter leurs fruits ? 

Sylvain et Émilie passent beaucoup de temps sur le vélo à essayer de déchiffrer les inscriptions en japonais, encouragés par le fait que certains mots reviennent fréquemment et que certains sont même traduits en plusieurs langues. Par exemple sur les panneaux routiers, les noms de villes ou de bâtiments sont écrits en caractères japonais mais aussi presque systématiquement doublés avec leur équivalent en caractères latins. Cela permet, avec le temps, d’apprendre la prononciation des kanjis les plus fréquents. Le soir, ou lors des moments de détente, nous révisons nos connaissances en utilisant l’une ou l’autre des innombrables applications sur le téléphone dédiées à l’apprentissage du japonais, notamment sous forme de fiches mémoires pour les symboles les plus fréquents. Même Héloïse, qui fait semblant de faire le clown, nous surprend de temps en temps à donner la bonne réponse.

Notre immersion dans la culture locale est un délice pour les enfants, qui passent volontiers des heures à fabriquer des origamis et offrent des petites grues en papier à tout le monde. Manger avec des baguettes est devenu naturel, tout comme les longues formules de politesse en japonais qui, articulées bien fort et en cœur par nos deux youyous, ne manquent pas d’attirer beaucoup de regards bienveillants. Ainsi encouragée par les compliments des Japonais, Emilie se met vite à papoter avec tous, mettant à profit les quelques mots de japonais et d’anglais qu’elle apprend en route.

Sur les conseils de plusieurs personnes rencontrées à Kochi, nous nous arrêtons au musée Anpanman, situé dans la petite ville de Kami. Ce héros de dessins animés des années 80 est très apprécié au Japon. Par sa jolie figure ronde et souriante, il séduit immédiatement les filles qui le reconnaissent ensuite dans les rues et sur de nombreux produits lorsque nous faisons des courses. Ce détour d’une trentaine de kilomètres nous a montré encore une nouvelle façade de la culture japonaise où les adultes aiment rester de grands enfants. 

Un après-midi, aux abords d’un parking, les grilles recouvrant un caniveau sont mal raccordées et laissent un interstice malheureux d’environ 3 cm, camouflé par quelques herbes. C’est exactement la largeur du pneu avant de Sylvain qui roule en plein dedans, le vélo s’arrêtant tout net dans un fracas insupportable de métal qui frotte, de suspension qui arrive en butée et de chambre à air qui explose. Il s’en est fallu d’un millimètre pour que le disque de frein ne s’empale fatalement sur le rebord du caniveau… Au final, il n’y a rien de cassé et pas de blessés, mais c’est le genre de mésaventure qui peut facilement être lourde de conséquences. Nous avons eu de la chance.

En voyage itinérant, l’aspect pratique de la logistique du quotidien l’emporte plus facilement qu’à la maison sur les valeurs que nous souhaiterions défendre. Ainsi, après plusieurs échecs pour trouver des chambres à air et des plaquettes de frein de rechange dans les magasins de vélos, nous finissons par commander exactement les modèles qu’il nous faut sur Amazon, qui offre la possibilité ultra pratique de livrer les colis dans n’importe quel « combini » au Japon. De même, nous succombons sans offrir trop de résistance à la manie du sur-emballage et sur-plastiquage des supermarchés japonais, car c’est très pratique de pouvoir fourrer en quelques minutes dans nos sacoches un repas entier tout préparé et délicieux sans que les sushis ne se ratatinent ou que le poisson ne dégouline sur les brioches. Les déchets sont minutieusement triés et tout paraît très propre, mais nous ne nous faisons guère d’illusion sur l’impact écologique…

Nous devons de nouveau traverser les montagnes pour rejoindre le nord-est de l’île et choisissons encore une minuscule route. Dans un village reculé, un boulanger artisanal s’est installé et nous nous régalons de bonnes baguettes croustillantes pour le déjeuner. Il nous offre même un dernier pain devant l’enthousiasme des Français pour son travail. Nous continuons vers l’immense lac de Yanase perdu au milieu de la forêt. L’exploitation forestière est l’une des principales activités de la région et des efforts sont faits pour maintenir l’activité économique et le supermarché de ce village isolé, ce qui nous arrange bien pour le ravitaillement. 

La forêt recouvre une grande partie de l’île de Shikoku, en particulier sur sa moitié sud, et les zones agricoles sont beaucoup moins nombreuses qu’à Kyushu. Les plaines sont rares et urbanisées. Les petites exploitations agricoles laissent place à une forêt dense et sauvage mêlant conifères à l’odeur enivrante, érables, bambous et autres espèces. Elles s’accrochent aux reliefs très escarpés des montagnes comme un manteau protecteur. Au sud de l’île, la forêt se jette dans la mer sur des dizaines de kilomètres. Le caractère sombre et sauvage des forêts combiné à une faible densité humaine nous fait parfois penser au Canada… avec 20 degrés de plus ! 

Les bonnes conditions climatiques sont très appréciables lors de nos nombreux bivouacs. Il est relativement facile de trouver des campings ouverts que ce soit en bord de mer ou au milieu des montagnes, malgré la saison touristique terminée. Certains sites sont même gratuits, d’autres offrent une douche chaude appréciable alors que les soirées se rafraîchissent. La nuit tombe maintenant tôt ce qui nous oblige à nous arrêter au plus tard vers 17h. A chaque fois, le cadre est splendide et l’atmosphère sereine. Nous dénichons une petite pépite au barrage de Yanase où, sur une presqu’île au milieu du lac, un magnifique gazon plat est parfaitement entretenu. Nous y prenons une journée de repos pour profiter de la douceur automnale et du cadre exceptionnel de cette vallée reculée, contempler la beauté des paysages et regarder les étoiles filantes. 

Par une petite piste caillouteuse et des petites routes désertes, nous rejoignons ensuite la côte Pacifique et alternons entre le bord de mer et la campagne jusqu’à Tokushima. Il n’est pas très facile de réserver des hôtels, l’île étant peu touristique et les offres sur les plateformes de réservation sont rares en dehors des grandes villes. Nous trouvons quand même une auberge conviviale où passer quelques jours à Minami, sur la côte. C’est l’occasion de discuter avec des touristes qui effectuent le pèlerinage de Shikoku, l’un des principaux pèlerinages nippons dont c‘est la haute saison. Cette boucle de 1200 km autour de l’île relie 88 temples bouddhistes. En plus des Japonais qui réalisent le plus souvent la boucle en voiture, ce défi sportif ou spirituel attire aussi des touristes occidentaux. Nous croisons lorsque nous pédalons des pèlerins munis de leur bâton, veste blanche et chapeau pointu marchant le long de la route. Le chemin emprunte en effet de nombreux kilomètres de routes goudronnées (beaucoup trop pour tenter nos baskets 😉).

Partout sur la côte, nous voyons les consignes à suivre en cas de tremblement de terre ou d’alerte tsunami, rappelant ainsi qu’une bonne partie de la population nippone vit avec cette épée de Damocles au dessus de la tête. Un peu partout, des panneaux indiquent l’altitude exacte au dessus du niveau de la mer, ainsi que la direction à suivre pour rejoindre un refuge ou un relief plus élevé. Mais c’est pour un autre type de vagues que la côte est de Shikoku est réputée: les vagues de l’océan Pacifique font le bonheur des surfeurs en été. C’est cependant une mer d’huile que nous admirons en cette fin d’octobre alors que nous terminons les derniers coups de pédales. Nous passons la dernière nuit sous tente en bordure de plage avant de prendre un dernier ferry pour la région d’Osaka. 

Nous avons adoré ces 6 semaines à pédaler au Japon. Une météo splendide nous a permis de profiter pleinement de chaque journée et de nous offrir des jours de repos dans des lieux exceptionnels. La chaleur humide estivale de Kyushu a laissé place à un beau soleil avec des températures oscillant entre 20 et 25 degrés. Ce climat inhabituel, quoique très plaisant pour nous autres touristes, est malheureusement le signe du réchauffement climatique. Des cerisiers commençaient même à refleurir à Kōchi, en plein mois d’octobre, sous l’œil dépité de Go, notre hôte agriculteur. 

Après Shikoku, notre plan est de laisser nos vélos quelque part pendant deux semaines pour continuer d’explorer le Japon et ses mégalopoles en transports en commun, plus pratiques que nos tandems… Pour cela, nous avons loué une maison pas trop loin de l’aéroport d’Osaka en convenant avec son propriétaire d’y entreposer une partie de nos affaires, dont nos vélos, préalablement empaquetés pour le prochain trajet en avion. Trois nuits dans cette maison nous paraissaient bien suffisant pour finaliser la logistique et publier cet article de blog. En fait, nous avons passé 48h à emballer nos vélos 😳. Erreur de débutants, la maison est dans un quartier résidentiel, un peu loin de tout, et nous nous sommes retrouvés isolés, sans vraiment personne à qui parler ce qui complique beaucoup la tâche de trouver des boîtes en cartons pour y mettre nos vélos avant de prendre l’avion. Les quelques boutiques de vélos où nous avons pu nous rendre n’avaient plus de boîtes et il s’est avéré plus difficile que prévu d’obtenir les informations nécessaires pour localiser des cartons suffisamment grands. Quelques péripéties plus tard – incluant un refus des agences de location de nous prêter une voiture car le permis de conduire international émit par la Suisse (ou la France, d’ailleurs) n’est pas reconnu d’office par le Japon – nous nous retrouvons avec une grosse brassée de petits cartons, un couteau, un mètre, beaucoup de scotch, et la tâche ingrate de fabriquer des boîtes suffisamment grandes et solides pour nos lourds vélos 😅. Nous essaierons de faire mieux la prochaine fois !

10 commentaires sur “Shikoku”

  1. Hello Les voyageurs
    Très belle description du Japon, vu sous un angle inhabituel, celui du voyageur à vélo.
    Ah les rencontres…que serait le voyage sans elles ?
    Continuez comme ça, enfin, évitez quand-même les grilles métalliques ;-).
    On vous embrasse.

    1. Sylvain Reboux

      Salut Adrien, je te rejoins pour dire que les interactions avec les gens font clairement partie des moments les plus enrichissants et mémorables.
      Quant aux grilles métalliques, elles font aussi partie du voyage 🤷‍♂️
      Bises

  2. Hoi zäme!!

    Here is your friend the caveman 😂 Once more I have enormously enjoyed reading about your trip. I really like how you make an effort to interact with the locals and learn about the culture and ways of the place. It has also led you to very nice gestures of kindness. I wonder though if the lady that came after you with the bag of tangerines really intended to offer them to you or instead she was asking you to hand them to the next neighbor 😜. Jokes aside, it is truly nice specially in the moment of history we are living,with so much hate, to see the spontaneous gestures of kindness and friendship that you are encountering.
    On the culinary side I see you are also becoming experts. Not only mastering the sticks but rediscovering the Japonese version of 🍕, Rösti, 🥖,… 😂

    Thanks again for your rich and detailed narrative. It felt again like traveling Japan with all of you.

    Not to repeat myself to much but: looking forward to the next post!
    Abrazos

    1. Sylvain Reboux

      Hello dear Pedro, we also enjoy reading your comments every time 🤗 If we are becoming experts at anything it would be at knowing how much we have yet to learn and discover about the world!
      Best wishes and good luck for the release! I can only imagine all the work and stress… 🤞💪

  3. rené Jacky Gaillard

    Merci et félicitations pour la qualité de votre site .
    J’adore ton style d’écriture clair ,touchant , pertinant , facile à lire et riche en informations rien ne manque sur l’histoires des cultures matérielles ,la vie d’un autre pays .
    Encore merci de nous faire rêver avec une petite larme au coin de l’œil en pensant à vous .
    Bonne continuation ,bisous à vous quatre .
    Jacky

    1. Sylvain Reboux

      Merci Jacky : il faut aussi féliciter Mathilde car c’est un travail d’équipe, autant pour écrire que pour tout le reste ! On pense bien fort à vous !
      Grosses bises de tous les quatre.

  4. Wow – what a great post. It sounds like you made the most of every day in Japan. Smooth travels and looking forward to your next post.

  5. Les paysages, les coutumes, l’ histoire, les rencontres avec les locaux, les aventures, …. tout y est.
    Quel plaisir de lire vos récits et de voir que toute la famille profite pleinement de ce ” grand voyage ” !
    Bonne continuation sur le territoire nippon.
    Bisous. 🥰 🙏🙏🙏🙏

  6. Shikoku… même leurs noms sont marrants!. J’ai passé un bon moment en visitant, grâce à votre plume et vos photos, un Japon différent de ce l’on a l’habitude de voir.
    Bravo à vous et aux filles pour votre succès de communication avec une langue si différente !

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