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A vélo au Laos

Le Laos, le Vietnam, deux pays autrefois sous occupation française et maintenant communistes,  partagent une longue frontière et une partie de leur histoire. Ils se sont souvent battus l’un contre l’autre lors de querelles de royaumes ou de dynasties, mais plus récemment ensemble contre un ennemi commun ou les calamités climatiques. Passer la frontière doucement à vélo laisse cependant apprécier les nombreux contrastes qui existent entre ces deux pays. 

Nous arrivons au Laos par sa région centrale, assez loin des centres d’intérêt touristiques. L’humidité tropicale et le bouillonnement d’activité côté vietnamien font ici rapidement place à des paysages poussiéreux et tranquilles. Avec seulement trente habitants par kilomètre carré, le Laos est dix fois moins densément peuplé que le Vietnam et nous ressentons immédiatement un certain vide humain. Il y a beaucoup moins de monde sur les routes et les nuées de scooters qui klaxonnent sans cesse sont restées au Vietnam. De ce côté ci de la frontière, le silence est mis à mal essentiellement par la vétusté des moteurs de motos, camions et tracteurs. Les machines semblent se passer de génération en génération et se réparent au bord de la route avec un tournevis et une clef à molette.

En quelques dizaines de kilomètres, le vert des collines vietnamiennes s’estompe pour laisser place à une terre rougeoyante et asséchée sur laquelle la végétation jaunie est assoiffée. Le ciel s’éclaircit et les températures remontent au dessus de trente degrés. Nous changeons de zone climatique pour une savane tropicale alternant saison humide avec, comme maintenant, une saison sèche.

A la banque, nous changeons notre liasse de dongs vietnamiens contre une liasse encore plus grosse de kips laotiens. Les banques n’ont officiellement pas le droit de changer ces devises, donc l’employé au guichet fait venir une dame qui n’est pas affiliée à la banque, et qui opère directement dans la salle d’attente, pour mener à bien la transaction. Nous voici donc multi-millionaires en kips ! L’inflation galope bon train et la plus grosse dénomination, le billet de cent mille kips, vaut maintenant moins de cinq euros… 

Nous réalisons que, en arrivant dans un nouveau pays, nos premières impressions découlent en fait surtout de la répartition démographique et du niveau de développement. Quelle que soit la manière dont on définit le développement (par exemple l’Index de Développement Humain de l’ONU), et à l’heure où nous écrivons ces lignes, la Suisse arrive vers le sommet du classement, la Corée, le Japon et la France arrivent ensuite, suivi par la Thaïlande et, dans une autre catégorie, le Vietnam et la Mongolie. Le Laos figure généralement parmi les pays les moins avancés, suivi presque uniquement par des pays d’Afrique. Plus qu’un prétexte à de quelconques jugements, ces indices de développement fournissent une grille de lecture qui permet de mieux comprendre les spécificités de chaque pays et de faire abstraction des progrès qui n’ont tout simplement pas encore eu le temps d’avoir lieu au Laos. Inutile par exemple de se focaliser sur les routes en mauvais état, les billets de banque chiffonnés et crasseux, les moteurs bruyants et polluants, et les caniveaux pleins d’ordures… Ces problèmes sont génériques à beaucoup de pays en développement et, au rythme où les choses changent, il n’en restera peut-être rien d’ici une ou deux générations. Nous essayons de garder cela en tête pour ne pas nous arrêter à ce qui caractérise simplement la pauvreté mais pour tenter d’apprécier l’identité du pays. 

Après le passage de la frontière à Dansavan, nous traversons le pays d’est en ouest sur une belle route très large, en bon état et relativement plate, fréquentée par tous types de véhicules. Il y a d’énormes camions qui assurent le transport de marchandises transfrontalier entre le Vietnam, le Laos et la Thaïlande. Il y a aussi les deux-roues à moteur, généralement des vieilles motos de petites cylindrées ou des mobylettes, avec rarement moins de deux personnes dessus, souvent plus, et presque jamais de casques. Enfin, il y a tous les 4×4, pickups et autres véhicules à quatre roues. Ils sont beaucoup plus nombreux qu’au Vietnam, en proportion, et nous n’avons plus l’impression que les routes appartiennent aux deux-roues. Bien que plutôt bruyants et polluants, tous ces véhicules sont en nombre relativement réduit et roulent doucement, ce qui, associé à la largeur de la chaussée et des bas-côtés, réduit considérablement le stress de se promener sur ces routes à vélo. 

Le vent souffle assez fort dans notre dos et, à une vitesse de croisière d’environ 25 km/h sans faire trop d’efforts, le paysage défile tranquillement mais sûrement. Nous pouvons à loisir observer la vie dans les petits villages, souvent organisés assez sommairement de part et d’autre de la route. Les réparateurs de véhicules sont presque aussi nombreux que les boutiques vendant des produits essentiels : essence au litre dans des bouteilles en plastique, savons, boissons et un peu de nourriture. Il y a parfois quelques stands de soupe de nouilles et un ou deux hébergements sommaires. La nuit, qui tombe rapidement sous ces latitudes, est précédée de couchés de soleil intenses où le rouge se mêle vite avec le noir. L’éclairage publique est quasi inexistant et nous pouvons profiter de cette vie simple sous un beau ciel étoilé. 

Les maisons sont principalement sur pilotis et construites en bois. Même si chaque village possède son école, elle est généralement dotée de bâtiments assez délabrés autour d’une cour poussiéreuse. Les investissements dans l’éducation paraissent faibles et l’illettrisme est malheureusement encore une réalité que nous constatons lors de nos tentatives d’échanges avec Google Traduction. De nombreux adultes ont du mal à déchiffrer les quelques mots écrits sur nos téléphones ou à calculer le prix de deux bouteilles d’eau. Les enfants ne sont souvent pas plus débrouillards que leurs parents… 

Seuls les bâtiments officiels du parti communiste sont d’un blanc étincelant et semblent régulièrement entretenus. Dans ce pays où la corruption est paraît-il importante, les inégalités se manifestent aussi par le contraste entre les vieux tracteurs du peuple et les 4×4 officiels, reconnaissables à leurs plaques d’immatriculation bleues. 

A Phalanxay, nous nous arrêtons dans l’enceinte d’un imposant temple bouddhiste au bord de la route menant à Savannakhet en quête d’un peu d’ombre. Des hommes sont en train de confectionner des structures en bambou, en préparation d’un grand festival qui aura lieu dans un mois. Plus loin dans une maison sur pilotis, les femmes sont occupées à coudre des décorations aux couleurs vives. Elles nous invitent à partager leur repas, à la grande joie des enfants qui ne se font pas prier pour piocher dans les petits paniers de riz collant avec les doigts !

Le lendemain, nous passons devant un autre temple en face d’un terrain vague jonché de détritus en train d’être ramassés. Il semble y avoir eu une grosse fête la veille et il y a encore du monde devant la porte du temple décorée avec des gerbes de riz. Dès que nous nous descendons du vélo, les femmes se précipitent vers nous et c’est parti pour trente minutes de séance photos avec la moitié des gens présents. Les habitants ont mis leurs habits de fête pour aller faire des offrandes à Bouddha et célébrer les moissons de riz. Nous repartons les bras chargés de fruits et autres petits cadeaux ! 

Du riz, nous en mangeons d’ailleurs à presque tous les repas, souvent avec des œufs et des légumes. C’est peu varié, mais c’est bon et ça nourrit toute l’équipe sans difficultés. L’une des spécialités est le riz collant, que l’on mange avec les doigts dans des petits paniers en osier. Très bon ! Nous sommes en revanche moins attirés que les mouches par les étalages de morceaux d’animaux en tous genres laissés au soleil et essayons d’éviter la viande autant que possible. Les conditions d’hygiène dans les petits restaurants en bord de route sont probablement souvent acceptables, mais pas toujours… 

La région traversée est très rurale et l’agriculture reste dominante dans l’économie laotienne. Les rizières sont asséchées en cette saison et nous croisons principalement des petites vaches et des buffles qui cherchent péniblement de quoi manger le long des routes. Nous apercevons rarement des usines, sauf celles de la LBC (Lao Brewery Company), qui produit la BeerLao que l’on trouve absolument partout et qui s’apprécie très bien après une journée de vélo.

La plupart des enfants, et même souvent des adultes, nous font coucou avec les mains lorsqu’ils nous voient passer, même de très loin, en criant des « hello » ou « sabaidii » sincères et généreux. C’est très sympathique et cela occupe bien nos enfants qui se doivent de réciproquer à leur tour. La population laotienne est très jeune, un Laotien sur deux a moins de 24 ans. Par comparaison, la moitié des Japonais ont plus de 48 ans… .

Après quatre jours à pédaler sous un soleil de plomb, nous apprécions de pouvoir nous arrêter au parc aquatique de Soulinsouk, un complexe touristique où toboggans et piscines se mêlent agréablement à la végétation. En ce dimanche après-midi, quelques rares familles aisées de Savannakhet, la ville voisine, viennent se rafraîchir. Les structures sont un peu défraîchies mais l’eau et les installations sont propres et nos enfants sont aux anges, ravis de revoir des jeux depuis dix jours. Nous restons sur place 24 heures, profitant d’avoir souvent le site entier pour nous seuls.

Une très courte étape nous permet de rejoindre Savannakhet, deuxième ville du pays avec environ cent mille habitants, située au bord du Mékong, à la frontière avec la Thaïlande. Nous flânons au milieu de jolis édifices de l’époque coloniale plus ou moins à l’abandon, visitons un grand temple bouddhiste et sommes gratifiés d’un magnifique coucher de soleil. Après une assez longue traversée très rurale et souvent rustique depuis Hoi An, nous retrouvons une bonne dose de confort occidental sous la forme de délicieuses pizzas cuites au feu de bois, de baguettes de pain maison et de croissants chauds. Tout cela recharge agréablement les batteries 😋.

Dans un hôtel, nous rencontrons par hasard un employé local d’une ONG œuvrant pour le déminage. Acteur important pendant la guerre du Vietnam, le Laos est en effet tristement célèbre pour être le pays le plus bombardé de l’histoire, ayant reçu près de une tonne de bombes par habitant… Il reste encore un grand nombre de munitions non explosées éparpillées sur le territoire. Elles continuent à tuer et mutiler chaque année et font régulièrement l’objet de programmes d’aides internationaux. Cet employé  nous confie que le principal obstacle reste la difficile collaboration avec le gouvernement laotien. Celui ci torpille régulièrement certains projets, pourtant entièrement financés par des organismes internationaux, frileux devant ce qui peut être perçu comme de l’ingérence par des nations étrangères. Pas évident d’aller aider un pays après l’avoir couvert de bombes…

Colonisé par les Français depuis la fin du 19e siècle, le Laos obtient officiellement son indépendance en 1953 pour devenir une monarchie constitutionnelle. Accusé d’être un pantin manipulé par la France, le roi doit faire face à une insurrection menée par le mouvement communiste Pathet Lao qui finit par renverser le régime le 2 décembre 1975 au prix d’une longue et meurtrière guerre civile. C’est cette date qui est fêtée et enseignée comme le Jour de l’Indépendance. 

Après Savannakhet nous remontons vers le nord le long du Mékong sur une route secondaire tranquille et assez agréable dans un Laos très rural et toujours très sec. Nous comprenons après quelques dizaines de kilomètres pourquoi il y a aussi peu de circulation : le pont qui enjambe un petit canyon est en train d’être reconstruit et il est impossible pour les voitures de passer. Les voyageurs en quête d’aventure peuvent quand même franchir la rivière grâce à un petit radeau et un peu d’huile de coude, notamment pour descendre et remonter le chargement de chaque côté du ravin abrupt. Tout se passe bien et nous sommes ravis.

Nous nous retrouvons un peu malgré nous avec le tourisme type « backpacker » à Thakhek, ville fréquentée par des jeunes en quête d’aventure qui viennent louer une moto pour faire la fameuse « boucle de Thakhek », un itinéraire sur trois ou quatre jours dans la région promu dans tous les guides touristiques. Nous repartons vite le lendemain et quittons la vallée du Mékong. Après 300 kilomètres de paysages plats, nous sommes contents de voir enfin du relief, sous la forme d’un beau massif karstique rappelant le nord du Vietnam. 

Les karsts sont truffés de grottes et nous nous arrêtons visiter trois d’entre elles, très différentes dans leur style mais toutes très connues et accessibles. La grotte éléphant est pleine de Bouddhas, avec des couloirs et des escaliers pour y accéder et y déposer des offrandes. Le site de la grotte Xieng Liap est en revanche laissé à l’état naturel et nous prenons beaucoup de plaisir à traverser toute la grotte, complètement seuls, comme des explorateurs (en sandales…). Nous laissons passer le pic de chaleur quotidien à la grotte de Tham Nang Aen, une grotte immense ornée de magnifiques concressions et aménagée comme une galerie d’arts avec de nombreux éclairages multicolores. Ces visites font des pauses appréciables car l’unique route de la vallée est empruntée par les camions faisant la navette entre la Thaïlande, le Laos et le Vietnam et n’est pas toujours très agréable. Le vent souffle en plus désormais contre nous.

Nous quittons enfin cette route passante pour remonter une vallée irriguée où le nouveau cycle de la culture du riz a commencé. Les jeunes pousses sont en train d’être repiquées à la main, un travail titanesque sous un soleil de plomb. Le paysage verdit de nouveau avec la jungle qui s’accroche aux pitons karstiques. Malheureusement, nous ne croisons aucun animal sauvage, la chasse, l’agriculture et l’exploitation forestière ayant eu raison de tout ce qui bouge aux abords des routes.

Nous rencontrons plusieurs cyclotouristes sur ou près de la boucle de Thakhek, dont une famille de Français avec un enfant de onze ans et un couple de Hollandais avec qui nous partageons un café bien sympathique. Retardés (sans regrets) par ces chouettes rencontres, nous attaquons la côte de Nankai vers midi, en plein soleil, et y laissons quelques litres de sueur 😅. Nous passons à côté d’un immense barrage électrique d’une capacité d’1 GW construit en 2008. Financé par des partenaires internationaux, dont la Banque Mondiale et l’Agence Française de Développement, il fait partie de ces projets hydroélectriques controversés par leur impact écologique et économique, l’essentiel de l’électricité étant exportée vers la Thaïlande ou le Vietnam. 

Les journées sont plutôt calmes, mais nous ne pouvons pas en dire autant de nos soirées. Nous nous arrêtons une fois dans une guesthouse déserte où nous dormons dans une petite maisonnette en bois sur pilotis. Tout cela est très sommaire et bien charmant, jusqu’à ce qu’un karaoke éclate à quelques dizaines de mètres de là une fois la nuit tombée. Cette activité populaire consiste bien sûr à mettre de la musique très très fort et à chanter très très faux 😆. Le lendemain, nous logeons dans un camp de vacances immense et presque désert dans le village de Nakai, avec un vaste jardin propre et fleuri, harmonieux et reposant. C’est sans compter sur les envies de karaoke d’un voisin, bien sûr !

Depuis Nakai, nous bifurquons sur une piste en terre rouge pour rejoindre l’entrée de la grotte de Kong Lor. Les premiers kilomètres nous gratifient de quelques bonnes montées-descentes. Mathilde se permet de goûter à la terre poussiéreuse du Laos en perdant l’équilibre dans un virage en descente avec de grosses ornières. La chute est heureusement sans gravité mais mérite un petit arrêt pour se décrasser dans un ruisseau ! Les forêts sont ici exploitées d’abord pour le bois mais ensuite pour laisser place aux plantations de manioc, une culture de plus en plus lucrative. Cette racine ne faisant pas partie de l’alimentation laotienne, nous apprenons qu’elle est exportée après séchage au soleil vers la Chine et la Thaïlande pour être transformée en de nombreux additifs alimentaires : glutamate, amidon transformé, édulcorants,…

Nous traversons dans cette vallée des petits villages d’un autre temps, où le bétail se promène entre les maisonnettes en bois sur pilotis. Dans l’un d’entre eux, les villageois célèbrent un mariage. Au milieu des maisons en bois, des poules, des chiens et des buffles, à 11 heures du matin sur le sol en terre, la fête bat son plein. Les femmes dansent en sarong sur de la pop asiatique. Nous hésitons à nous arrêter, mais la musique assourdissante nous en dissuade. Tant pis pour l’expérience manquée, nous regretterons peut-être le folklore à 120 décibels avec des paysans éméchés 🤔.

Les dernières heures de la journée sont magnifiques et nous les passons dans un cadre paisible, au milieu d’arbres immenses et de buffles qui rentrent des champs. Un peu assommés par le soleil et cette journée à pédaler sur une piste, nous arrivons dans un joli camp de vacances avec des petits bungalows parfaits au pied des falaises. L’ambiance paradisiaque est malheureusement gâchée par le brouhaha des enceintes stéréos qui mugissent un peu partout dans le village. Nos demandes répétées, et probablement désagréables, pour que nos voisins baissent le son trahissent notre désespoir de pouvoir trouver un lieu calme pour récupérer de nos efforts. 

Elles reflètent aussi sûrement notre décalage par rapport à l’art de vivre laotien, que nous ne pouvons qu’apprendre à connaître faute de vraiment l’apprécier. Fortement influencée par la philosophie taoïste venue de Chine, cette façon de vivre prône l’harmonie avec la nature et la simplicité, mettant l’accent sur la compassion, la spontanéité et le non-agir. La vie s’écoule doucement selon une ligne de moindre effort, chacun étant à la recherche du fameux muan (fun). Si quelqu’un chante à tue-tête sur des basses qui font vibrer le sol, c’est qu’il y trouve du muan. Il faut s’en réjouir. S’en agacer serait bo muan (pas fun), donc on ne le fait pas. Se fatiguer plus que nécessaire est aussi bo muan, donc on évite. Mais prenez notre interprétation avec des pincettes : il est possible que les subtilités du muan laotien échappent à ceux qui choisissent d’aller à l’autre bout du monde transpirer sur des vélos chargés 😀.

Les désagréments sonores sont bien heureusement peu de choses par rapport aux merveilles du voyage. L’une d’entre elle est incontestablement la traversée de la grotte de Kong Lor. Deux étroites pirogues à moteur nous conduisent pendant plus d’une heure à travers la montagne sur une rivière souterraine de sept kilomètres, adroitement pilotées à la lampe frontale par des Laotiens qui ont dû faire le trajet des centaines de fois mais semblent y prendre autant de plaisir que nous ! C’est une expérience mémorable et, pour le coup, très muan 🤗.

Après quelques jolies routes dans des forêts montagneuses, nous rejoignons l’axe principal qui relie le sud et le nord du pays. Pour une vingtaine d’euros, un bus camionnette accepte de nous laisser monter à bord avec nos vélos et nos bagages. Nous nous épargnons ainsi une centaine de kilometres de route peu agréable entre Vieng Kham et Paksan. En dehors de quelques sections refaites récemment, cette route nationale mélange trafic chargé, nids de poules géants, vieux bitume et travaux, le tout saupoudré très généreusement de poussière. Nous finissons la journée tout rouge !

Après avoir passé la nuit à Pakxan, nous reprenons un bus pour nous faire déposer à Naxay et éviter une autre section de route peu intéressante, avec toujours beaucoup de camions, et de travaux. Pendant un instant, nous suivons un convoi de camions citernes qui aspergent la route d’eau sur toute sa largeur afin de diminuer la quantité de poussière soulevée par le passage des véhicules, réduisant un peu l’inconfort des riverains. Nous ne regrettons pas d’être dans le bus et non sur les vélos.

Près du micro-village de Tha Xiangle, nous passons la nuit dans un soit-disant « resort » local assez improbable, caché au bout d’une piste en terre et en apparence désert. Nous y sommes quasiment seuls et le troupeau de vaches qui paissent tranquillement entre les arbres ne troublent aucunement la quiétude des lieux. Les chambres sont grandes, propres, avec une salle de bains, et les prix dérisoires. Ce genre de confort dans ce genre d’endroit est autant inattendu qu’appréciable.

Rien ne nous encourage pour l’instant à faire du camping et notre tente est restée rangée dans sa sacoche depuis que nous avons quitté Taïwan. Il serait tout à fait possible de camper ici ou là mais nous n’y trouvons pas de bénéfices évidents. De plus, depuis le début de ce voyage, nous cherchons chaque jour à passer plusieurs heures dans un endroit confortable pour que les enfants puissent jouer et avancer leur programme scolaire. Dans les pays dits « développés », il y avait toujours beaucoup d’opportunités en journée, dans les parcs, les cafés, ou les espaces naturels propres et aménagés. Ces occasions sont quasi inexistantes dans la campagne au Vietnam et au Laos, donc nous apprécions de pouvoir passer du temps l’après-midi dans des hébergements calmes et spacieux. C’est clairement un compromis avec l’idée d’être au plus près du pays, mais nous assumons sans difficulté cette manière de voyager.

Nous faisons un petit détour pour visiter un vaste monastère isolé et très bien entretenu. Il y règne un silence paisible et la végétation abondante et fleurie procure une fraîcheur bienvenue. Il semble qu’en cette matinée les moines n’ont pas le droit de parler et que les photographies sont interdites. Dans un recoin, un moine plus âgé nous fait signe avec un petit nop, le salut bouddhiste effectué en joignant les deux mains et inclinant légèrement la tête. Il jette un bref regard autour de lui…personne. Il sort alors rapidement son téléphone et, avec un sourire radieux, s’empresse de photographier les touristes 😀.

A Ban Keun, en quête de petit déjeuner, nous explorons le marché du village. A huit heures du matin, l’ambiance y est calme et relaxante. Les scooters et motos, ainsi que nos vélos, restent garés sur un parking et ne viennent pas déambuler bruyamment entre les étalages comme c’était souvent le cas au Vietnam. Mis à part quelques curiosités relativement anecdotiques, comme des crapauds, des tortues et des larves de vers à soie, la très grande majorité de ce qui se vend est plutôt appétissante : des fruits et des légumes variés, ainsi que des fritures et grillades. Nous trouvons notre bonheur avec des beignets de patates douces, des gaufres, des bananes, et une spécialité laotienne à base de riz gluant et de coco enrobé dans des feuilles de bananier.

Depuis Pakxan, nous progressons dans une région du Laos plus riche et plus verdoyante. Les cabanes sur pilotis en bois vermoulu font place de plus en plus place à des bâtisses en dur aux murs fraîchement repeints. Les cochons ne courent plus au milieu des friches mais sont gardés dans des enclos. Les belles villas luxueuses cloîtrées derrière de hautes palissades en métal doré se font moins rares. Nous revoyons quelques boutiques climatisées, vendant autre chose que des premières nécessités.

Nous nous offrons alors le luxe ultime, et sans doute reprochable, de passer la nuit dans un splendide complexe hôtelier de gamme internationale sur les rives du réservoir de Nam Ngum. C’est dans ce très bel endroit que nous commençons les retrouvailles émouvantes avec les parents de Mathilde, qui sont eux aussi en voyage en Asie du Sud-Est. Francine a loué un vélo et nous accompagnera pour faire la trentaine de kilomètres qu’il reste pour rallier Vang Vieng et rejoindre Denis. Nous prévoyons de passer environ une semaine tous ensemble au Laos. 

13 commentaires sur “A vélo au Laos”

  1. Quel plaisir de lire vos récits, toujours très très bien écrits, avec des pointes d’ humour et vraiment complets ! Bravo et merci pour toute cette culture que vous nous faites partager.
    Les petites sont rayonnantes, preuve que vous savez bien gérer le quotidien…
    On imagine votre grande joie lors des retrouvailles avec Francine et Denis. C’est super de pouvoir passer une semaine avec eux au Laos.
    Bisous à tous les 6 et bonne continuation 🥰💗🚴🚴🚴

  2. Dear Friends, thanks so much once more for such an interesting and detailed descriptions of your experience so far in Laos. I am truly impressed specially about the trip in the canoes through the caves. I saw the video and it must have been amazing. BTW you should try sometime joining the spontaneous midnight karaokes and who knows … perhaps you find the real meaning of the “muan” ! 😝
    Continue the adventure safely! I am enjoying very much following your almost every day from my cave!

    Abrazos
    P

  3. Merci pour ces articles riches (j’apprends plein de choses) et les photos ! C’est très émouvant, grosses bises à tous !

    Je compatis à la frustration de l'”envahissement” sonore ! Des occasions très concrètes de se rendre compte des différences culturelles 😉

    1. Mathilde Lachia

      Merci pour le message. L’expérience musicale n’est certainement pas des plus traditionnelles et nous ne sommes pas certains qu’elle vaille le détour ! Mais nous vivons pleinement l’expérience locale avec philosophie !

  4. Hola Familia:
    Soy Enrique de Valencia, un amigo de tu Padre.
    Sylvain y familia; Primero que nada tengo que felicitaros por esta gran aventura que estáis compartiendo con todos nosotros.
    No tengo palabras para describir todo lo que estáis haciendo, tanto y cuanto lo estáis realizando en bicicleta y con toda la familia.
    Como ciclista que soy estoy alucinado con todo ello.
    Después de visitar: Mongolia, Corea, Japón,Taiwan Laos y Vietnam. Estamos viendo y conociendo lugares increíbles y anécdotas de todos ellos.
    ¡Ánimos a todos! Y en espera de mas artículos y fotos.

    1. Sylvain Reboux

      Es un verdadero placer leerte. ¡Recuerdo tus propias aventuras en bicicleta! Tenemos mucha suerte de poder hacer este viaje en familia y descubrir todos estos países extraordinarios. Lo disfrutamos cada día.
      ¡Un abrazo desde Laos! 🇱🇦

  5. Grandperrin Chantal ( Ex Rivollet Roattino de Cornier )

    Mais qu’est ce que c’est chouette de lire vos récits . Merci , on apprend tellement de choses…ss😁
    Bonne continuation

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